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Dan Soto propulse des gouttes qui ne mouillent pas
Autopropulsion de gouttes en caléfaction par entrainement visqueux −
Laboratoire de Physique et Mécanique
des Milieux Hétérogènes −
www.pmmh.espci.fr
Avez-vous déjà fait tomber une petite goutte d’eau sur une plaque électrique chaude ? Vous avez alors pu remarquer que la goutte semble léviter au-dessus de la plaque et se met à glisser, au lieu de s’évaporer immédiatement comme on pourrait s’y attendre. Ce phénomène a été observé par le médecin allemand Johann Gottlob Leidenfrost dès le XVIIIe siècle, et a depuis été étudié par les scientifiques sous le nom de caléfaction. Il s’agit aujourd’hui de l’un des axes de recherche du laboratoire PMMH, où Dan est aujourd’hui doctorant.
- Analogue à la caléfaction, l’effet lotus est un phénomène qui se produit lorsqu’une surface possède une structure qui a la particularité de repousser l’eau : on a alors l’impression que la goutte lévite - photo prise par Mathilde Reyssat
Lorsqu’on pose une goutte sur une plaque brûlante - par exemple dont la température atteint les 400 °C - celle-ci ne peut pas toucher la plaque ! Cela est dû au fait qu’elle commence à s’évaporer par en-dessous : à cause de la haute température, une partie de l’eau liquide qui constitue la goutte passe à l’état de vapeur. À l’image d’un aéroglisseur, cette dernière forme alors un coussin gazeux, sur lequel la goutte peut flotter. La goutte présente alors des propriétés quelque peu inhabituelles : elle est sphérique, au lieu de posséder une forme plus aplatie comme celle des gouttes de pluie ; elle est très mobile, c’est-à-dire que de toutes petites forces la mettent en mouvement ; elle peut rester plusieurs minutes au-dessus d’une plaque à 500°C avant de s’évaporer entièrement, alors que sur une plaque à 110°C, elle survivrait bien moins d’une seconde.
Dan essaye de mettre à profit cet effet pour obtenir des gouttes qui se déplacent d’elles-mêmes : on parle alors de « systèmes autopropulsés ». Son expérience reproduit la situation évoquée ci-dessus, à ceci près qu’il a creusé à la surface de la plaque de petites canalisations de taille millimétrique et dont la forme est celle d’un « V ». La vapeur d’eau qui s’échappe par le dessous de la goutte s’y engouffre alors, entraînant ainsi cette dernière dans une direction particulière. Et c’est ainsi que ces gouttes se déplacent ! On peut d’ailleurs lancer la goutte sur la plaque dans la direction opposée à celle de la propulsion : elle finira pourtant toujours par prendre la direction imposée par les canalisations. C’est ce que l’on voit sur la vidéo, où la goutte effectue même un demi-tour.
L’expérience en elle-même n’est pas extrêmement complexe, puisqu’il s’agit de la version améliorée d’un phénomène que chacun peut observer dans sa cuisine. Mais on peut en envisager des applications très loin de la cuisine ! Par exemple, en gravant des canalisations sur la surface d’un tuyau brûlant, on pourrait utiliser des gouttes d’eau pour refroidir ce dernier ; les gouttes se déplaçant en lévitant, elles emmèneraient la chaleur du tube autre part, à un endroit où celle-ci serait réutilisée. Un tel procédé pourrait être par exemple utilisé dans une centrale nucléaire. D’autre part, on pourrait aussi fabriquer des surfaces autonettoyantes en utilisant le phénomène de caléfaction.
Pour Dan, il s’agit d’une expérience parmi les autres que sa thèse lui permet d’aborder. Une fois son doctorat achevé, il pense rester dans la thématique des interfaces – dans cette expérience, il s’agit de l’interface entre le liquide et sa vapeur – mais envisage aussi de changer de domaine.
Mais comment Dan en est-il arrivé à propulser des gouttes qui ne mouillent pas ?
Après avoir grandi en Espagne, Dan a continué ses études en France en passant par deux années de classes préparatoires en internat, puis en intégrant l’École Polytechnique. Il a été séduit par les cours de l’un de ses enseignants, David Quéré, et est donc venu faire une thèse dans son laboratoire. Il apprécie particulièrement l’ambiance qui y règne : les thésards y mènent généralement plusieurs expériences, portant sur des phénomènes observables à notre échelle ; le travail se fait souvent à plusieurs, avec une dimension humaine très agréable.
Ce qui l’attire dans la physique, c’est qu’elle aide à mieux comprendre le monde qui nous entoure, et permet de le démystifier. Ainsi, grâce à sa formation, il sait à quoi est dû le rayon vert, ce phénomène optique rare que l’on peut parfois entrevoir lors du lever ou du coucher du Soleil. Ou bien, comme il le dit lui-même : « Lorsqu’il pleut, je sais maintenant dans quelle direction chercher l’arc-en-ciel ».
Après sa thèse, Dan envisage de travailler dans l’industrie, ou encore de continuer avec un post-doctorat, en restant ainsi dans la recherche académique. Il se dit ouvert à toutes les possibilités qui se présenteront à lui dans le futur. Son activité de chercheur ne l’empêche cependant pas d’être très actif dans d’autres domaines : guitariste à ses heures perdues, il a participé aux championnats de France Master de natation, activité qu’il pratique 3 à 5 fois par semaine. Et il se sert du surf comme excuse pour découvrir d’autres pays : ainsi a-t-il déjà surfé en Malaisie, en Indonésie, au Mexique, aux Canaries, au Maroc, au Portugal, au Pérou... et la liste n’est pas près de s’arrêter !
- Dan dans son laboratoire, en train de déposer des gouttes sur une plaque chauffée
Article rédigé par Guillaume DUREY et Alexis WEINREB,
élèves-ingénieurs de l’ESPCI ParisTech