Skip to content

Accueil > Ressources > Des Têtes Chercheuses à l’ESPCI Paris > Fabrice Lemoult fait chanter ses canettes de Coca-Cola

Fabrice Lemoult fait chanter ses canettes de Coca-Cola

Manipulation des ondes acoustiques dans un milieu localement résonnant.

Institut Langevin
Ondes et Images
www.institut-langevin.espci.fr

Voir l’animation en ligne

On appelle onde le déplacement d’une perturbation qui modifie certaines propriétés du milieu qu’elle traverse. Un exemple d’onde bien connu est le son ; la science qui étudie les ondes sonores a pour nom l’acoustique. Toute onde possède deux caractéristiques intrinsèques, de nature très différente, mais qui sont pourtant liées entre elles : la longueur d’onde et la fréquence. La longueur d’onde est définie comme la distance qu’il faut parcourir entre deux points du milieu considéré, à un instant donné, pour que la perturbation en ces deux points soit la même. Il s’agit donc d’une propriété décrivant le comportement spatial de l’onde. La fréquence, quant
à elle, correspond au nombre de fois en une seconde où une position fixée est soumise à une même perturbation. Il s’agit donc d’une propriété décrivant le comportement temporel de l’onde.

Dans le cas particulier des ondes sonores, ces caractéristiques s’illustrent très bien par une notion souvent mieux connue : celle de la hauteur d’un son. En effet, un son aigu est le résultat d’une vibration à haute fréquence, et un son grave d’une vibration à basse fréquence. Cela revient à dire également que plus un son est aigu, plus sa longueur d’onde est petite, et plus il est grave, plus cette dernière est grande. Enfin, pour une onde sonore, la perturbation qui, en se propageant, constitue l’onde, est une variation localisée de la vitesse et de la pression de l’air.

Un autre exemple d’onde bien connu : une onde à la surface de l’eau


À fréquence fixée, il est très difficile de contrôler le son sur de petites distances. Par exemple, il est impossible de concentrer le son en un point unique infiniment petit : si on y arrivait, les molécules proches de ce point - c’est-à-dire celles qui en sont séparées de moins d’une longueur d’onde - percevraient elles aussi un effet de cette opération, et se mettraient à vibrer. Le son ne serait donc pas concentré sur notre point initial. Il s’agit en fait d’une limite fondamentale de la physique, appelée limite de diffraction. Et pourtant, Fabrice et ses collègues ont réussi à contourner cette limite…

Pour contrôler le son sur de petites distances, il faut donc réussir à créer du son qui oscille sur une échelle spatiale plus courte que la longueur d’onde. Pour cela, Fabrice et ses collègues ont eu l’idée un peu surprenante d’utiliser un réseau de canettes de soda vides !

L’expérience avec les canettes de Coca-Cola


En effet, chacune des canettes se comporte comme une caisse de résonance  : c’est ce que l’on constate si l’on souffle dans une canette et que l’on écoute le son qui en émerge. De manière intéressante, la fréquence associée à cet effet résonant correspond à une longueur d’onde bien supérieure à la dimension d’une canette. Lorsqu’on positionne plusieurs canettes en réseau, on arrive alors à créer du son qui varie sur une échelle donnée par la distance entre les canettes et non plus par la longueur d’onde.

Le but était ensuite de sélectionner l’endroit où l’on souhaite concentrer l’énergie acoustique parmi le réseau de canettes. Pour cela, Fabrice et ses collègues ont utilisé la technique du retournement temporel, mise au point à l’ESPCI : dans un premier temps, un haut parleur placé à côté des canettes émet un son bref ; les canettes sont alors excitées et réémettent une onde. Cette onde sonore sortant du réseau de canettes est alors enregistrée en différents points de la pièce. Dans un second temps, ces signaux enregistrés sont réémis à « l’envers » par des hauts-parleurs - la partie du signal arrivée en dernier repart en premier. Ainsi, les ondes sonores revivent leur passé et reviennent se focaliser précisément à l’endroit où l’on avait initialement une impulsion sonore. C’est ce que l’on voit sur les vidéos : dans le premier cas, l’onde sonore est localisée de façon très imprécise. En revanche, dans le second film, on peut dire précisément quelle est la canette qui émet le son, grâce à la technique développée par Fabrice et ses collègues.



Ainsi, Fabrice et ses collègues ont pu focaliser le son sur la
taille d’une canette de soda, soit 6,5 cm ! Par rapport aux 85 cm de la longueur d’onde, ce qui devrait être la taille minimale à laquelle il est possible de focaliser, cela représente un beau moyen de contourner les limitations classiques de la physique. Dans le futur, cette expérience pourrait permettre de fournir de l’énergie à de tout petits composants électroniques, ou bien de créer des senseurs ultra-précis.

Mais comment Fabrice est-il arrivé à faire chanter ses canettes de Coca-Cola ?

Il choisit une carrière de chercheur car il découvre, en arrivant à l’ESPCI, que la science n’est pas « écrite dans les livres », mais que chacun peut y apporter sa pierre en réalisant des expériences novatrices et originales. Ce qui lui plaît, c’est que la recherche lui permet de formuler des idées, puis de les tester avec des expériences, et, en exploitant les résultats de celles-ci, d’imaginer de nouvelles expériences qui permettent d’aller plus loin… et ainsi de suite !

Il se dirige ensuite vers la physique des ondes car il se dit « convaincu que ce sont les ondes qui gouvernent tout » – contrairement à ce que pensent la plupart des physiciens des particules ! Aujourd’hui en post-doc à Winnipeg au Canada, il souhaite retourner travailler au Laboratoire Ondes et Acoustique dans le futur car l’ambiance de travail y est à la fois agréable et stimulante. Son voyage au Canada est très enrichissant puisque, outre l’aspect professionnel, les voyages sont l’une de ses passions, les autres étant le sport et faire la fête ! Comme il le dit lui-même, il est finalement « un peu comme tout le monde » !

Fabrice dans son laboratoire à Winnipeg


Article rédigé par Guillaume DUREY et Alexis WEINREB,
élèves-ingénieurs de l’ESPCI ParisTech