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Guillaume MAIMBOURG manipule les ultrasons pour soigner le cerveau

Thérapie du cerveau par ultrasons focalisés de forte puissance
Unité Inserm U979 « Physique des Ondes pour la Médecine », Institut Langevin Ondes et Images
www.institut-langevin.espci.fr/wave_physics_for_medicine_and_biology_inserm_u979

Les chauves-souris n’ont pas la réputation d’avoir des yeux de lynx. En réalité, elles disposent d’une bonne vue, seulement, tout comme nous, elles ne voient pas très bien dans l’obscurité. Alors comment font-elles pour se repérer à la nuit tombée ? Grâce à leurs oreilles et leurs cordes vocales ! Elles émettent des ultrasons puis écoutent leur écho pour se construire une image de leur environnement, et ainsi détecter les obstacles ou chasser leurs proies. On dit souvent qu’elles voient avec leurs oreilles. D’autres mammifères, comme les dauphins, utilisent le son pour visualiser leur environnement, c’est ce qu’on appelle également l’écholocation. Dans les années 1940, les scientifiques s’en inspirent pour mettre au point une nouvelle technique d’imagerie médicale, l’échographie. Les échos sont ici analysés pour reconstituer une image de l’intérieur du corps aidant les médecins à établir un diagnostic. Mais savez-vous que les ultrasons peuvent aussi soigner ?

Au fait, le son, les ultrasons, c’est quoi ? Pour comprendre très simplement ce que c’est, faisons une petite expérience. Posez votre main au niveau de vos cordes vocales puis parlez, chantez, criez ! Que sentez-vous ? Ce sont les vibrations de vos cordes vocales. Celles-ci font vibrer l’air à l’intérieur de votre gorge puis à son tour l’air dans votre bouche, puis l’air autour de vous. Les physicien.ne.s définissent ainsi le son comme une vibration mécanique qui se propage dans un milieu matériel sous la forme d’une onde, un peu à la manière d’une vague qui déferle. Les ondes sonores se caractérisent notamment par la fréquence qui désigne le nombre de fois par seconde qu’un point du milieu subit cette vibration. Pour le son, cette notion est très intuitive car elle est perçue par notre oreille, c’est la hauteur d’un son. Ainsi, si la fréquence est basse, le son sera grave et inversement, lorsqu’elle est grande, on obtient un son aigu. L’oreille humaine est capable d’entendre des sons de fréquences allant de 20 à 20 000 Hertz (ou Hz). En dessous de cette limite se situent les infrasons qui sont par exemple utilisés par les éléphants pour communiquer entre eux sur de très longues distances. De la même manière, au-delà de 20 000 Hz, on parle d’ultrasons. Ceux-ci sont aujourd’hui le sujet de nombreuses recherches pour étudier et utiliser leur potentiel thérapeutique.

Guillaume dans son laboratoire

Lorsque concentrés en un point précis, les ultrasons ont des effets très intéressants pour soigner de nombreuses maladies ou améliorer l’effet de certains traitements. À forte puissance (imaginez mettre le volume du son très fort), les ultrasons peuvent chauffer localement jusqu’à provoquer des brûlures s’ils sont focalisés, tout comme lorsque l’on concentre les rayons du Soleil avec une loupe pour brûler une feuille de papier. Les scientifiques et les médecins tirent d’ores et déjà parti de ce principe pour pratiquer l’ablation de tumeurs associées à certains cancers comme le cancer du sein ou de la prostate. Les ultrasons sont alors focalisés au niveau des cellules cancéreuses et induisent leur mort sans endommager les tissus sains qui les entourent. Cette technique peut éviter le recours à une opération chirurgicale invasive parfois source de complications, ou à la radiothérapie dont les effets secondaires sont conséquents. Néanmoins, toutes les zones du corps ne peuvent pas être traitées aussi facilement. Le cerveau est l’une de ces zones. En effet, l’os du crâne qui l’entoure est un milieu très hétérogène qui déforme et atténue les ondes ultrasonores. Il devient alors beaucoup plus délicat de focaliser les ultrasons au point voulu sans risquer d’endommager des parties saines du cerveau. Guillaume et ses collègues mettent au point et étudient les performances d’une solution technique à ce problème.

Guillaume visualise le signal acquis par le détecteur d’ultrasons sur son oscilloscope

Afin de compenser la déformation des ultrasons due à la traversée du crâne, ils ont eu l’idée de placer une lentille acoustique entre l’émetteur d’ultrasons et l’os. Son rôle est comparable aux verres de lunettes de vue qui, pour corriger les défauts de l’œil, déforment le trajet de la lumière. Mais tout comme les verres de lunettes, la forme de cette lentille ne peut pas être n’importe laquelle ! Elle doit en effet s’adapter au crâne du patient et à la zone cible du cerveau à traiter.

Pour fabriquer sa lentille, Guillaume est très astucieux ! Dans un premier temps, il cartographie la densité du crâne à l’aide d’un scan de l’os. Cette carte en 3D est essentielle pour comprendre comment le crâne déforme les ondes ultrasonores. En effet, une fois rentrée dans son ordinateur, il peut simuler la propagation des ultrasons de façon très réaliste. Pour que les ultrasons se concentrent correctement au point cible, il utilise une technique développée à l’Institut Langevin, appelée le retournement temporel. Il simule d’abord l’émission d’une onde ultrasonore « à l’envers » en partant du point cible à l’intérieur du crâne vers l’extérieur de l’os. Le résultat de la propagation de cette onde lui indique l’épaisseur que doit avoir la lentille en chaque point pour compenser les hétérogénéités de l’os et pour qu’une fois émise dans l’autre sens, l’onde se focalise bien au bon endroit.

Le montage expérimental est plongé dans l’eau pour reproduire les conditions à l’intérieur du crâne, puisque le cerveau est essentiellement constitué d’eau !

Et les performances de la lentille acoustique sont étonnantes ! Il a montré qu’il pouvait focaliser les ultrasons sur un tout petit point de la taille de quelques millimètres. Soit la taille d’un grain de riz ! La lentille de Guillaume est encore en développement mais elle offre une alternative prometteuse à d’autres techniques de focalisation qui sont beaucoup plus coûteuses tout en préservant des performances équivalentes. La thérapie par ultrasons focalisés pourrait soigner de nombreuses pathologies cérébrales. À faible puissance, les ultrasons faciliteraient le passage de médicaments à travers la barrière hémato-encéphalique en y ouvrant une brèche temporaire. Cette barrière, qui sépare le système nerveux de la circulation sanguine, est très utile pour protéger notre cerveau d’agents pathogènes mais elle empêche également le passage de nombreuses molécules actives. Enfin, les ultrasons peuvent aussi être utilisés pour stimuler, ou au contraire inhiber des zones spécifiques du cerveau.

Mais comment Guillaume s’est-il retrouvé à manipuler les ultrasons ?

Guillaume en pleine conférence au Palais de la Découverte.

Après deux ans de classe préparatoire, Guillaume intègre l’École Normale Supérieur de Cachan où il étudie la physique. Il entame ensuite une thèse à l’Institut Langevin, dans l’équipe de Physique des Ondes pour la Médecine. Après sa thèse, Guillaume se voit bien continuer dans la recherche mais il dit ne se fermer aucune porte. Il se dit même tenté de vivre l’aventure de la création de start-up ! Agrégé de physique, il se dit également tenté par l’enseignement. Il partage régulièrement son enthousiasme pour la science à l’occasion d’ateliers à la Fête de la Science ou pendant la Nuit européenne des Chercheur.e.s. Vous pouvez également le trouver au Palais de la Découverte où il anime régulièrement des conférences de physique. Outre son intérêt pour les ondes, Guillaume est aussi un sportif aguerri. Il court régulièrement pour préparer des marathons et des trails auxquels ils participent de temps en temps.

Texte et photos par Steven Christophe.

Retrouvez plus d’informations sur le laboratoire de recherche en navigant sur le site internet de l’Unité Inserm U979 « Physique des Ondes pour la Médecine », Institut Langevin Ondes et Images.