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Le cerveau, un marché à conquérir ? - Lundi 25 novembre 2013 à 18h30
Sébastien Bohler, journaliste et chroniqueur, est également auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique consacrés au cerveau humain, au comportement et à la psychologie expérimentale, ainsi que de fictions sur les thèmes des nanotechnologies et de la manipulation mentale. Il intervient dans ce Miroir des Sciences pour discuter autour de son roman « Les soldats de l’or gris ».
De 18h30 à 20h30, en amphi Langevin.
La conférence sera suivie d’une séance de dédicaces.
George Orwell écrivait, dans 1984 :
“Toujours ces yeux qui vous observaient, cette voix qui vous enveloppait. Dans le sommeil ou la veille, au travail ou à table, au-dedans ou au-dehors, au bain ou au lit, pas d’évasion. Vous ne possédiez rien, en dehors des quelques centimètres cubes de votre crâne.“
Ouf ! Le lecteur peut soupirer, l’essentiel est sauf. L’être humain, même sous le regard omniprésent d’un pouvoir totalitaire, gardera toujours l’intimité de ses pensées secrètes. Toujours ? Voire... Le passé n’est pas si loin, Orwell est mort en 1950... Et quelques années plus tard commençait, en pleine guerre froide, un programme de recherches nommé MKULTRA.
Sous l’égide de la CIA, des quarterons d’apprentis-scientifiques et de psychiatres sans éthique entreprirent de trouver dans le cerveau de prisonniers de guerre ou de cobayes humains la clé des opinions et de la persuasion. Expériences avec des psychotropes, implantation d’électrodes dans le cerveau, cette expérimentation sauvage souvent pratiquée sur leur propre population répondait au besoin de contrôler l’idéologie, à une époque où le spectre de la contagion communiste alimentait toutes les paranoïas.
Le programme MKULTRA est mort de sa propre misère, mais aussi de ses limites techniques et conceptuelles. Aujourd’hui, les outils des neurosciences pour influer sur le fonctionnement du cerveau sont plus fins, et plus réels. Le roman « Les soldats de l’or gris » suit les pas d’un jeune prodige de la biologie moléculaire, Fabian Hassler, qui est amené malgré lui à travailler pour les mêmes services secrets, mettant en œuvre les techniques plus récentes de la manipulation mentale. A la clé : neurotransmetteurs, champs magnétiques sur fond de conflit technologique entre les Etats-Unis et la Chine. Le scientifique sera pris entre son rôle de démiurge et les conséquences abyssales de ses avancées.
Pourquoi un roman sur ce thème ?
Parce que la science fournit la matière au renouvellement d’éternels fantasmes. Rentrer dans les pensées d’autrui, le contrôler, manipuler ses opinions : le thème est vieux comme le monde.
Mais les neurosciences l’amènent sur un terrain fascinant, celui de l’infiniment petit (on va découvrir comment des constructions moléculaires peuvent être guidées au cœur du cerveau pour y produire l’effet souhaité), et parce que certaines questions philosophiques y deviennent criantes d’urgence et de réalisme : le désir de contrôler autrui découle-t-il de la peur ? Quel pont relie, dans le cerveau humain, l’esprit et la matière ? Comment se peut-il que le dosage de quelques molécules au cœur des neurones change le désir ou le comportement de quelqu’un ?
Sans apporter de réponse, ce roman donne une apparence plus concrète à ces questions.