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Sébastien Drouyer reconstruit la 3D des catalyseurs

Topographie 3D par approche segmentation : application au microscope électronique à balayage
Centre de Morphologie Mathématique, Mines ParisTech / IFP Énergies Nouvelles

Les logiciels de retouches photo, comme Photoshop ou GIMP, sont de formidables outils pour améliorer le rendu des photos, réaliser des montages photos ou gommer des défauts disgracieux. En quelques clics, on peut modifier le contraste, la saturation des couleurs et enlever un nuage qui gâche un beau ciel bleu pour obtenir une photo digne des meilleurs photographes ! Mais derrière ces opérations en apparence très simples se cachent des algorithmes qui peuvent parfois être très complexes. Si pour nous, il est facile d’identifier les éléments qui composent une photo (visages, objets, bâtiments..) et comment ils s’organisent en profondeur (avant plan, arrière plan..), cela reste encore aujourd’hui une tâche très difficile pour un ordinateur. Comment faire comprendre ces notions complexes à nos ordinateurs ? C’est à ce type de problèmes auxquels Sébastien est confronté pour faire de la reconstruction 3D à partir d’une série de quelques photos.

Un pixel, qu’est-ce que c’est ?

Une image numérique est un tableau de petits points de couleurs appelés pixels. Ces pixels se voient facilement lorsque l’on zoome un peu trop sur une photo ou sur des images de basse résolution. Pour un ordinateur, cette image correspond à un grand tableau rempli de nombres qui représentent l’image en elle-même. Chaque case du tableau représente un pixel : la colonne et la ligne du tableau donnent sa position dans l’image.

Si l’image est en couleur, à chaque pixel sera associé trois nombres entre 0 et 255 correspondant aux niveaux de rouge, de vert et de bleu, les trois couleurs primaires en synthèse additive des couleurs. Par exemple, à un pixel rouge sera associé les nombres (255,0,0). Grâce à ce tableau, l’ordinateur est capable de reconstituer l’image pour l’afficher sur un écran ou l’imprimer, puisqu’il connaît la position et la couleur de chaque pixel.

Mais il peut faire bien plus que ça ! En effet, avec tous ces nombres, on peut réaliser n’importe quelle série d’opérations mathématiques des plus simples, comme une addition, aux plus complexes qui adoptent alors la forme de longs algorithmes. Un peu comme des recettes de cuisine, ces algorithmes sont des suites d’instructions données à un ordinateur pour réaliser une tâche. Dans le cas des images, ils visent la plupart du temps à en améliorer la qualité ou à en extraire des informations spécifiques, comme par exemple la reconnaissance de lettres ou de visages.

Voir les catalyseurs en 3D

IFP Energies Nouvelles, l’entreprise qui finance la thèse de Sébastien, développe des catalyseurs. Ce sont des substances qui accélèrent les réactions chimiques. L’industrie pétrolière les utilise beaucoup dans le processus de transformation du pétrole en essence par exemple. La structure 3D de ces catalyseurs est un facteur déterminant pour leur efficacité : une mauvaise structure pourrait par exemple se casser facilement et devenir inutile.

Afin d’étudier ces structures, les chimistes prennent des photos des catalyseurs grâce à un microscope électronique, afin d’avoir une idée de la structure des catalyseurs. Mais, seules, ces photos 2D ne permettent pas de connaître précisément la structure 3D, comme la photo d’un meuble ne vous dira pas s’il rentrera dans votre salon !

Grâce à son ordinateur et ses algorithmes soigneusement élaborés, Sébastien parvient à reconstruire la 3e dimension à partir de seulement quelques clichés, chacun pris d’un point de vue légèrement différent. Il s’appuie pour cela sur le principe de la stéréoscopie, le même principe de base qui nous rend capable de percevoir le relief.
En effet, ce n’est pas totalement un hasard si nous avons deux yeux. Chaque œil perçoit une image légèrement décalée de celle perçue par l’autre œil. Notre cerveau combine ensuite ces deux images de manière à ce que l’on sache si un élément de notre environnement est près ou loin de nous.

Pour un ordinateur, cette tâche est complexe car elle implique de savoir distinguer les éléments qui composent une image, puis de les localiser sur la même image légèrement décalée. C’est un exercice particulièrement difficile sur les catalyseurs, et l’objectif de Sébastien est d’adapter les méthodes existantes pour qu’elles fonctionnent sur ces éléments chimiques. À partir d’une première image de son catalyseur, il demande à son ordinateur d’identifier des régions, c’est-à-dire des ensembles de pixels qui ont une couleur similaire. Dans une seconde image, légèrement décalée par rapport à la première, chaque région aura des propriétés quasiment identiques à celles qu’elle avait dans la première image, permettant alors à l’ordinateur de la localiser. Dans une seconde étape, Sébastien reconstruit la géométrie du catalyseur (angles, longueurs…) en s’appuyant sur la connaissance de la position de prise de vue des images.


Une des photos du catalyseur étudié par Sébastien et sa reconstruction en trois dimensions.

La reconstruction 3D, des applications nombreuses

L’algorithme de Sébastien simplifie ainsi la tâche des chimistes quand ils cherchent à caractériser les catalyseurs qu’ils ont fabriqués ! Mais la reconstruction 3D est en réalité un problème très général que l’on retrouve un peu partout. Les voitures autonomes analysent en temps réel les images acquises par les caméras dont elles sont bardées. Elles doivent avoir une idée très précise de leur environnement en 3D sans quoi elles mettraient en danger leurs occupants ou les passants aux alentours. Dans l’imagerie médicale, ce type d’algorithme rend notamment possible la reconstitution d’un organe ou d’un os en 3D à partir de simples scans ! Ils peuvent également intervenir pour la préservation du patrimoine mondial. En effet, certains sites archéologiques sont malheureusement menacés par les guerres ou les pillages. Leur reconstitution en 3D est un moyen de les sauvegarder virtuellement.

Mais comment Sébastien s’est-il retrouvé à reconstruire la 3D des catalyseurs ?

Sébastien est un passionné d’informatique. Après ses études à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon, il travaille 3 ans dans une entreprise d’informatique en tant qu’ingénieur de recherche. Par curiosité, il suit un MOOC (un cours en ligne sur Internet) sur l’apprentissage automatique, un domaine de l’intelligence artificielle, qu’il apprécie particulièrement et lui donne envie d’en savoir plus. Pour mettre en pratique ses connaissances, il participe à plusieurs concours d’informatique. Il arrive même premier au Robonaut Challenge proposé par la NASA ! Parce qu’il aime être au carrefour de l’innovation et de la recherche, il décide de démarrer une thèse en traitement d’images au Centre de Morphologie Mathématique (Mines ParisTech, PSL) à Fontainebleau en partenariat avec IFP Énergies Nouvelles. Durant son temps libre, Sébastien aime se changer les idées en courant dans la forêt de Fontainebleau. Il teste aussi régulièrement ses talents de stratège en jouant aux jeux de société.